on dit le lac existe un garçon se torche la bouche dans une étendue de genêts c’est midi et il transpire entre le sexe et le nombril on passe l’après-midi sans bouger les yeux fermés tout excité il invente des scènes | traine son corps dans le feu et le piétine jusqu’à l’aube un drôle de calme règne aux alentours l’odeur des aisselles dans la prière la chaleur monte des genoux si le coffre est plein il ne le vide pas à coup de langue | de doigts | de pieds la terre garde trace l’eau monte on est en février dans la montagne un essaim d’abeilles sauvages tombe près des sapins un cadavre au pied calciné est étendu dans l’herbe un garçon vient du chemin prés de l’église jusqu’au barrage le chasse neige casse la route le garçon aux hanches maigres est grand son corps se remarque un panier de linge brûlant à la main je réfléchis presque sans arrêt je n’ose pas m’arrêter je mange la bouche grande ouverte contre ses yeux à coup de langues | de doigts | de pieds et je l’imagine une larme au coin sur de mauvais lopins de terre dehors il y a un bois aux communautés compactes aux maisons cubiques | individuelles | déjà vétustes pour petits employés on ne raconte pas un bon rêve avant midi toujours aux carreaux mal cimentés R.A.S renverse une lampe de chevet je marche creuse des rigoles dans la terre du sang plein les cheveux sur la place près du marché je soulève ses jambes l’hiver des corps restent immobiles quelques secondes c’est l’heure où le ventre du petit vieux se creuse ses membres on ramasse des cadavres R.A.S sa sueur coule l’urètre glisse il me manque un doigt journée ville morte à Langogne allumette | briquet | feuille | bois une longue lame au large plat le besoin d’une mémoire auxiliaire R.A.S ou des rochers | des pans de rocher la terre battue | froide | sèche devient pâteuse je m’appelle Jean et alors je mange la bouche ouverte contre ses yeux à plat ventre la montagne s’effrite des taches de rouille des taches de sang le cul le lieu de la preuve dehors j’ai peur que le ciel craque les mains gantées je m’échappe de l’ancien dortoir l’espace entre mes deux jambes ouvrent sur des tiques | des loups sous un pont toujours debout dans la lumière de la nuit un garçon avec une vieille théière fait craquer les veines autour de mon cul c’est bien un truc de garçon avec la chaleur le vent nous fait perdre l’équilibre on trébuche sur des blocs de gravats je vois qu’il neige sur le haut des montagnes mais je ne rentre pas je traverse la rivière | continue dans la même direction j’entends des coups de feu ça me remue dans l’oreille l’homme renifle il n’est qu’un petit bout de peau et de sang il y a quelque chose d’imprévisible dans son pas l’été les pieds dans l’eau les paysans se battent pour conserver leur outil de travail la fenêtre s’ouvre je vois un bloc de goudron que le soleil chauffe j’ai mal au foie j’ai mal aux dents je saigne du nez les plus vieux radotent sur la rive jusqu’au barrage ils trainent longtemps | pissent | se branlent debout pourtant ceux de la place prés du marché je ne les crains pas
Décembre 2022, publié dans le revue Sève numéro 2